Les conséquences économiques et sociales découlant de la pandémie de coronavirus sont immenses avec des comparaisons semblables à la Grande Dépression de 1929. Si la crise sanitaire a quant à elle occasionné de nombreuses pertes de vies humaines, dans les 2 cas, il en est résulté un rôle plus actif des gouvernements. Aujourd’hui, à l’instar de plusieurs pays au monde, la PCU (Prestation Canadienne d’Urgence) a été mise en place pour fournir une aide financière aux personnes ayant perdu leur emploi du fait de la pandémie. Dans la foulée, d’aucuns ont suggéré que la PCU était une bonne base de discussion pour les revenus de base universels. Cependant, des enjeux importants existent ainsi que de décider qui en paiera la facture ?
Le concept de revenu de base universel n’est pas nouveau. Depuis le 16e siècle en Europe, des versions ont émergé au fil du temps. On parle de l’expérience au Manitoba dans les années 1970, en Ontario en 2017 ou ici au Québec en 2019. Et des études ont estimé que le programme coûterait environ 5% du budget de dépenses fédérales. Mais, qu’est-ce que le revenu de base universel ?
C’est un programme où les paiements sous forme de transfert d’argent sont attribués de façon périodique à chaque individu et sans condition préalable – à la différence de l’assurance-emploi qui présente des limites actuelles comme le fait que près de 60% des personnes en recherche d’emploi ne se qualifient pas.
Les critiques arguent qu’il pousserait les personnes à ne pas rechercher activement un emploi, alors que les partisans notent une plus grande satisfaction morale et un bien-être des participants. En outre, le revenu de base universel soulève une question politique et économique autour de la question de l’efficience et l’équité. Pour simplifier, d’une part, les partis dits de gauche parleraient plus de justice sociale et d’équité. D’autre part, les partis de droite encourageraient les lois du marché et la recherche du profit qui peuvent représenter une forme plus extrême du capitalisme dont les succès au cours de ces décennies, précisons-le ne peuvent être ignorés.
Cependant, ce vieux dilemme entre efficience et équité avait attiré l’attention de Kenneth Arrow, alors jeune New Yorkais qui avait vu comment le commerce de son père s’était effondré lors de la crise de 1929. Cette soif de justice sociale le rongeait mais il ne pouvait toutefois faire fi de la question de l’efficience. Comme solution, il démontra, et je cite que : Les résultats efficients peuvent être obtenus dans un marché concurrentiel, tout en ajustant la position de départ. Ces travaux et son influence lui ont valu par la suite le prix Nobel d’économie en 1972. Mais que voulait-il dire ? Pour l’expliquer, au lieu de se focaliser sur les milliers d’acteurs d’une économie, une version simplifiée serait cette image que vous voyez à la 4e diapositive.
Le principe d’égalité nous conduirait à fixer le même point de départ pour chacun et à donner le même escabeau à tous. Cela semble juste. Cependant, l’équité nous conduit à donner des escabeaux de différentes hauteurs, afin de combler les désavantages de certains groupes, dans l’espoir que tous les participants puissent atteindre, dans notre cas de figure la pomme. Ainsi donc, identifier quelle hauteur d’escabeau on pourrait attribuer à chaque membre d’un groupe ou de la population est le nerf du problème. Certes, ceci n’est pas toujours faisable, mais ce que Kenneth Arrow voulait qu’on retienne c’est que lorsqu’une économie fonctionne mal, une bonne base est de se demander si le problème ne peut être résolu en ajustant la position de départ sans interférer avec la course.
Venons-en maintenant à la question de savoir qui devrait payer pour financer ce déficit ?
Une dette contractée devrait être repayée éventuellement à travers les taxes. Il y aura donc de nombreux ajustements à faire, spécialement dans le système de taxation et de péréquation. Cependant, les appréhensions envers le revenu de base pourraient changer avec la crise de COVID-19. En effet, de nombreux sondages voudraient que les firmes technologiques soient celles qui paient les plus grandes taxes pour financer ce programme puisqu’elles sont les principales bénéficiaires de ladite 4e révolution industrielle. Par ailleurs, dans une logique plutôt progressive et expérimentale, des revenus de base non pas universels – à tous mais garantis pour des groupes cibles sont à considérer.
Un sondage au Canada en 2017 avait donné 44 % qui approuvaient le revenu de base. Ainsi donc, après cette présentation des mécanismes et enjeux, vous représentez disons un noyau de la diversité du Canada et je vous invite à donner votre opinion à la fin sur slido.com quant à l’adoption du revenu de base.
Comme proposition, pour donner un coup d’accélérateur aux débats sur les revenus de base, il serait intéressant d’entériner l’aide apportée aux étudiants en fin de cycle – afin de se préparer aux formations nécessaires pour le nouveau monde du travail qui encourage désormais les contrats courts, la gig-économie et les compétences en technologies.
Pour conclure, au sortir de la crise de 1929, il y a eu une profonde transformation de la pensée économique et des politiques gouvernementales. Cela s’avère nécessaire encore aujourd’hui avec la COVID-19, la plus grave crise sanitaire et économique que le monde a connu durant tout le siècle dernier. Le monde du travail ayant fortement changé, il est désormais primordial d’ouvrir les vannes de discussions afin de bâtir un futur soutenable et équitable. Et cela pourrait nécessiter l’établissement de revenus de base garantis à une frange de la population qui en bénéficierait le plus.